CRÉATION
Il y a des albums qui déplacent une époque. Blond en fait partie. Frank Ocean y brouillait les frontières de la soul, du RnB, du hip-hop, et inventait une manière nouvelle d’être un homme dans la musique : vulnérable, introspectif, traversé par les doutes, la mémoire, la solitude, les désirs. Un disque construit dans la rupture, enregistré entre Los Angeles, New York et Londres, tout en textures flottantes, en rythmes déconstruits, en voix qui ne cherchent pas l’éclat, mais la justesse.
Victor Solf s’en empare aujourd’hui. Ancien chanteur du groupe Her, il a pris le temps de revenir à lui après la disparition de Simon Carpentier, son compagnon de route. Son dernier album, Tout peut durer, l’a remis en mouvement, avec cette volonté assumée : porter une soul en français qui ne s’excuse plus d’exister. Trouver une manière propre, incarnée, de faire résonner ce genre chez nous.
À l’Hyper Weekend Festival, il franchira un nouveau seuil en reprenant Blond dans son intégralité. Il traversera ainsi l’œuvre pour voir ce que ce monument raconte encore en 2025, et ce qu’un artiste comme lui peut y projeter de sa propre histoire. Il ne sera pas seul : Kalupto, duo mixte, inventif, attentif aux voix comme aux textures prolongera ce travail de matières et de nuances, dans un esprit fidèle aux équilibres fragiles du disque originel.
Reprendre un album aussi sacré pourrait paraître insensé. « Les monuments sont faits pour être célébrés, sinon les pigeons font caca dessus », aime dire Didier Varrod. C’est exactement l’enjeu : honorer sans figer, redonner du souffle sans trahir.
La scène du Foyer B deviendra un lieu de passage entre Ocean et Solf, entre deux générations qui cherchent, chacune à leur manière, à défaire les armures. À dire la complexité. À inventer d’autres masculinités.
Une relecture rare. Et peut-être la plus belle preuve qu’un chef-d’œuvre ne s’épuise jamais : il renaît à chaque fois qu’un artiste ose l’habiter.
Félix Kalil
Après le succès international de Her, Victor Solf présente « Tout Peut durer », un album de soul futuriste et pour la 1ère fois en français. Il s’y abandonne à l’ivresse du chant tel un preacher des temps modernes. Respectant les codes il y ajoute sa personnalité, travaillant sans relâche pour trouver l’équilibre parfait entre soul éternelle et RnB progressiste, groove et minimalisme, entre mélancolie intimiste et liesse collective . Sans nostalgie, sans entrave.
Rares sont ceux qui ont osé s’y essayer. Tantôt atmosphérique, tantôt psychédélique, toujours subversif, Frank Ocean ou le monstre sacré du neo R&B est intouchable pour certains. Pour Victor Solf, le plus grand héritage de l’opus BLOND sorti en 2016, est celui de la liberté sauvage de la création. Loin d’une restitution, c’est donc une réapropriation que propose le preacher soul français. Entre laboratoire et hommage, il oscillera entre envolées expérimentales et sobriété soul. Pour parfaire l’exercice, il s’est entouré des ses amis du duo KALUPTO avec lesquels il partage l’amour du répertoire et la créativité instrumentale.
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