CRÉATION
Une basse affirmée, des beats lancinants, une mélodie entêtante. Un ensemble convoquant nos cœurs et nos corps. C’est “L’Oeuvre de nos vies”, prodigieuse ouverture du nouvel EP de Gael Faure qui ne veut plus cacher ses mots derrière d’autres, et libère sa voix comme il ne l’avait pas fait jusqu’ici.
Dans L’Eau & la peau, la trame est pop, le propos existentialiste. Les deux questionnent notre pouvoir de « changer notre relation à soi, aux autres et au monde. En se reconnectant à la nature et surtout à sa propre nature », confie le musicien. Qu’est-ce que l’essentiel ? Vaste question à laquelle Gael tente de répondre depuis des années, constatant que la position sociale de chacun peut brouiller le message quant à ses devoirs envers la planète… et envers nous autres, humains.
Près de quinze ans après ses débuts s’est imposé le désir de s’affranchir des règles et des rouages de l’industrie musicale. Revenir à la simplicité. D’abord avec le salvateur Regain, son dernier album paru en 2018, puis son puissant spectacle autour de Jean Giono, Le Bruit du Blé. Gael s’exporte dans la Drôme, avec l’idée de ramener l’art à la campagne, et participer, à son humble mesure, à une décentralisation nécessaire. L’artiste retrouve son ancrage sans oublier son amour pour l’extensibilité infinie du ciel et de la mer. L’eau & la peau…
Dans le viseur de L’eau & la peau (EP co-réalisé avec Emilano Turi) une alliance du synthétique et de l’organique, des ritournelles chamaniques comme en témoigne le bien-nommé “The Healer”. L’objectif est collectif : « Se laver de ces emprises du passé, des fantômes de famille, des blessures enfouies et des traumatismes transgénérationnels non résolus, des douleurs cachées, des hontes et des peurs, commente Gael. Et les faire disparaître autour d’une grande, belle et puissante cérémonie autour du feu. »
La prose de l’écrivain Jean Giono est l’une de ses grandes influences (« il m’a rendu le sourire que je perdais peu à peu»). « Goûter à la vraie richesse », chante-t-il dans la soul épurée de ”Renoncer”, qui incite, comme il l’explique, à « tordre le coup au superficiel, au faux vrai, à la parade… » Ce qu’on possède de plus précieux ne serait-il pas le temps ? Celui dont on dispose, celui qu’on donne. Lorsqu’on évoque ”Tu risques quoi”, Gael cite Françoise Dolto : « le seul péché est de ne pas se risquer pour vivre son désir ». Fi du regard de l’autre, il faut trouver sa voie, sa voix, et les affirmer.
« Tout ce temps-là pour reconnaître toutes ces choses qui font de moi un orage si grand », avoue Gael sur le lumineux “Ma Folie ma Maison”, où la résilience et l’apprentissage désamorcent la réalité de nos existences soumises à des remous tels ceux que nous vivons actuellement : « en cette période, il faut vraiment être armé spirituellement pour ne pas sombrer dans une certaine folie, la dépression ou la colère ! C’est l’opportunité de s’occuper de soi, de tout recommencer. » Avec L’Eau & la peau, oracle qu’on pourrait croire niché dans les terres de Lourdes, Gael Faure accepte son propre désordre et nous permet, à nous aussi, de lâcher prise.
Spectacle permaculturel et pluridisciplinaire mêlant la littérature, le chant et la danse, « Le bruit du blé » a été imaginé par Gael Faure autour de l’œuvre de l’écrivain Jean Giono, accompagné par le comédien Nicolas Martel et mise en scène par Françoise Gillard de la Comédie Française. Placé sous le signe de la modernité, à l’image de l’écriture de l’auteur, le spectacle crée un pont entre les époques des deux hommes, sans jamais se figer dans l’une d’elles.
Une représentation rythmée par les chansons de Gael Faure, la lecture de textes puisés dans différents ouvrages de Jean Giono et la danse contemporaine qui offre une interprétation corporelle aux textes ainsi qu’aux chansons. La volonté première de cette création est de remettre en évidence la nécessité de la lenteur, le besoin du travail manuel et de l’agriculture dans sa plus grande noblesse. Repositionner au premier plan la poésie paysanne et l’importance cruciale de l’homme dans le milieu rural, des plaisirs simples, d’un retour à la joie, de l’entraide, de la communauté, des hommes et des femmes libres!”.
♫ Écoutez ‘Regain’ : plus sain, plus beau, plus Faure — Pop N’ Co • France Inter • 8 février 2018